Le constat d’Hanokh Levin sur les rapports humains est certes brutal, mais il est drôle et dénué de positionnement moral. Marie Normand, à travers un humour cinglant, une mise en scène enlevée et une forme cabaret qui fait la part belle à la musique, propose à chacun de s’interroger sur la société qu’on a et sur celle dont on rêve, sur la bienséance et sur la tolérance, sur la norme et l’exclusion… Pourquoi ne pas essayer de vivre ensemble réellement? Nous connaissons tous la fin alors découvrons ensemble que l’espoir réside dans le cheminement !
Scier ma femme en deux, ça, moi aussi je peux le faire !
Une parole qui se fait pamphlet, qui interroge, dans une gaieté grimaçante, les travers de la société…
Cabaret de Hanokh Levin
Texte Hanokh Levin
Texte français Laurence Sendrowicz (Publié aux éditions Théâtrales)
Mise en scène Marie Normand
Lumière Stéphane Deschamps
Costumes et décors Sarah Dupont
Mise en mouvement Claire Richard
Composition et piano en scène Géraldine Agostini
Régie générale Emmanuel Pestre ou Jean-Luc Malavasi
Distribution Ulysse Barbry, Emmanuelle Brunschwig, Christophe Grundmann, Claire Méchin et Apolline Roy
Diffusion Sarah Glond
Spectacle créé au NEST, CDN de Thionville (Lorraine), le 15 novembre 2014
« On m’a souvent demandé depuis que j’ai décidé de monter Que d’Espoir! pourquoi j’avais choisi Hanokh Levin, auteur Israélien qui a écrit entre 1965 et 1999 dans le contexte socio-politique de son pays, pour parler de la société occidentale actuelle, c’est-à-dire celle dans laquelle je vis.
Les textes rassemblés dans le montage sont tirés de deux recueils, Que d’espoir ! et Douce vengeance et autres sketches , et m’accompagnent depuis longtemps. J’ai souvent travaillé ces monologues, scènes très courtes ou textes de chansons, incisifs et cruels, dans le cadre d’ateliers avec des scolaires, des comédiens amateurs ou des comédiens de mon équipe. Ces incarnations multiples et la façon dont ces textes étaient reçus dans ces cadres différents ont achevé de me convaincre de la portée universelle de ces textes traitant essentiellement (pour ceux que j’ai sélectionnés) du vivre-ensemble, et de leur pertinence vis-à-vis de notre époque et de notre société.
A la richesse de l’écriture, à son univers grinçant, nous ajouterons une écriture scénique permettant de prendre le relais de la parole de l’auteur et d’y imprimer des images dessinées essentiellement par les corps des acteurs, car ce sont les personnes qui ensemble, font -ou non- société. Aussi, un langage chorégraphié et concret permettra un jeu de miroir et d’identification avec le public.
Le public qui verra ce spectacle ne vit-il pas dans un monde où l’on peut être tenté par le repli sur soi, par l’intolérance et par un besoin douteux d’uniformité ? Ne voit-il pas, ne vit-il pas tous les jours des guerres qui ont peut- être changé de forme, mais qui ont gardé toute leur violence ? Ne ressent-il pas comme la bienséance remplace souvent la véritable attention à l’autre ? Et face à ces conflits de toutes sortes, l’inconsistance de la réaction politique des états et l’absence de prise de position des individus que dénonce Levin n’existent-elles plus ? Le sacrifice des jeunes générations auquel on laisse un monde en ruine dont parle Levin ne résonnerait-il pas aux oreilles qui vivent ici, maintenant ? »
Marie Normand
La création de Que d’espoir ! est soutenue par : La Direction Régionale des Affaires Culturelles de Lorraine – La Région Lorraine dans le cadre de l’Aide à la structuration des compagnies dont bénéficie la compagnie Rêve général ! pour la période 2014-2016 – Le Département des Vosges – La Ville de Mirecourt.
Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National. Une aide de l’ADAMI a été attribuée.
Non-sens total. Dans Que d’espoir!, cabaret de l’Israélien Hanockh Levin revisité par Marie Normand, l’absurde règne en maître pour mieux souligner la vraie folie de la norme. Sur le plateau, une boîte à jeux minimale et le piano de Géraldine Agostini, chef de chant et complice des cinq acteurs, contorsionnistes du verbe, acrobates si nécessaire, savourant les rôles à contre-emploi pour mieux sabrer les clichés. Car si le ridicule ne tue pas, l’espoir fait vivre. Partant de ce constat toujours véritable, Hanokh Levin entreprend dès 1965, à 22 ans, l’écriture de plusieurs recueils de sketches et chansons de cabaret en réaction à la politique israélienne. Au-delà du contexte géopolitique, ce qui unifie cette oeuvre au long courts, fragmentaire dans la forme, c’est la question de fond qu’elle soulève avec les armes de l’humour et du langage : le vivre-ensemble, ce qui soude les hommes ou les écarte, les sépare, les oppose.
Une question éminemment politique mais aussi théâtrale qui a séduit Marie Normand, metteur en scène remarquée pour son précédent opus, Roulez jeunesse!. « Ses recueils ne sont pas traduits en français, notamment parce qu’ils sont tellement référencés sur la politique israélienne qu’ils en deviennent parfois incompréhensibles », explique-t-elle. C’est dans les deux seuls recueils traduits par Laurence Sendrowicz, Que d’espoir! et Douce vengeance et autres sketches, qu’elle a opéré son montage : « Je me suis intéressée au regard que porte Levin sur la façon dont on vit ensemble, comment on fait société, pourquoi il y a toujours un exclu, sur la différence entre la norme et la bienséance et à quel point la norme devient un carcan qui nous étouffe. » Dialogues burlesques et chants accompagnés au piano s’enchaînent et entraînent à leur suite des saynètes muettes, où le corps se charge d’exprimer l’absurde, le grotesque, le non-sens.
Fabienne Avers, Les Inrockuptibles, le 21 janvier 2015